Cargo #2 : La vie à bord

On quitte le port et je découvre alors ce qu’est la vie à bord, au milieu des 30 marins qui travaillent sur le Lisa Marie.

Adieu la terre

Si un porte-conteneurs passe le plus clair de son temps en pilotage automatique au milieu des océans, tout devient bien plus compliqué lorsqu’il s’agit de manœuvrer. Car voyez-vous, un navire de trois cents mètres de long comme le Lisa Marie, ne peut pas tourner et sortir du port tout seul. Il est comme une vieille personne tombée à terre qui ne peut pas se relever sans l’aide d’une main extérieure.

Cela fait quelques heures que je suis à bord du Lisa Marie. Il est 17 heures, l’heure de quitter la Colombie. Je monte au onzième et dernier étage de la tour pour voir comment l’équipage va nous extraire du port. Je fais le code me donnant accès à la porte, non sans appréhension. Je débarque dans une immense pièce conçue exactement comme on l’imagine : une foule d’ordinateurs, d’instruments de mesure en tout genre, d’écrans, de boutons rouges, verts, jaunes, qui clignotent, qui bipent, qui s’appellent, qui se répondent. Dans un coin, il y a plusieurs imprimantes d’où sort en continue un papier très léger qui se déroule à l’infini comme si c’était le rythme cardiaque du bateau. Je regarde, le cœur bat vite, il est ému.

Tout autour de la pièce, les vitres géantes nous offrent une vue panoramique sur le port, les grues et nos centaines de conteneurs. Le capitaine est là, il m’accueille d’un salut et d’un clin d’œil. Autour de lui, au moins cinq hommes sont positionnés un peu partout, scrutant la mer avec des jumelles. « Deux, point, huit » déclare le capitaine. « DEUX, POINT, HUIT », hurle un officier en combinaison. C’est ainsi ici, on entend tout deux fois. J’imagine qu’il transmet les commandes à la radio, mais je n’en sais rien, je n’ose pas demander, j’ai tellement peur de déranger la manœuvre. Car c’est très curieux d’être dans la cabine de contrôle, vous n’y êtes que toléré, car vous ne servez à rien. Vous n’êtes même pas bons à répéter « deux, point, huit » très fort.

Le capitaine voit bien que je suis tétanisée, alors il m’explique rapidement comment on va sortir le bouzin de ce merdier. Je l’ai dit, nous ne pouvons pas nous extraire par nous même du port. On est trop gros, obèse, un pilier de cantine, on se ressert à chaque fois, alors c’est là qu’interviennent deux petits bateaux qui vont s’accrocher à nous par de solides chaînes et tirer de toutes leurs forces comme le feraient des chevaux de trait à un tronc d’arbre juste coupé.

Je sors sur le pont et me penche pour apercevoir ces fameux bateaux tireurs. Oh je les vois bien, ils n’ont pas l’air très forts et font surtout de la mousse. Peut-être que pour l’instant, ils s’échauffent, ils font des montées de genoux. Pour en avoir de l’écume, il y en a oui. Mais on ne bouge pas.

J’ai envie d’hurler au capitaine que cela ne sert à rien, qu’ils sont trop petits et qu’on est trop gros et qu’il faut changer de plan. Mais tout le monde continue à crier des chiffres et des points et à les répéter. Parfois, l’un des officiers court à l’autre bout du pont et ordonne quelque chose dans sa radio. Alors tout le monde accourt puis part vite dans l’autre sens.

La tension est montée d’un cran car en fait, on bouge. Oh un tout petit peu au début et puis franchement ensuite. C’est incompréhensible, mais les deux petits bateaux arrivent à nous tirer de là par la force des dents. Nous pivotons avec la souplesse d’un cargo certes, mais on s’éloigne tout de même. Et lorsqu’on est parfaitement dans l’axe de la sortie, les moteurs sont lancés, les petits navires nous lâchent. A cet instant, le ciel est parfaitement rose, avec quelques reflets bleus pour ravir la mer. Le port s’est effacé, la ville s’est effacée, puis la terre, puis le monde.

La solitude du passager

J’ai le droit d’aller partout mais je n’y vais pas. Car il faut demander d’abord, car il faut un chaperon et j’imagine qu’ils ont tous bien mieux à faire que de me surveiller. Être passager, c’est accepter d’être invisible. Vous êtes la seule personne a bord qui ne travaille pas, vous êtes juste un chômeur. Alors pour que l’on vous fasse confiance, il faut être discret, patient, et indépendant. Je l’ai très vite compris, j’allais passer beaucoup de temps toute seule. Enfin pas si seule que ça, puisqu’un autre passager est à bord, un Allemand qui a embarqué à Hong-Kong.

La vie dans un navire tel que celui-ci est proche de celle d’une usine avec environ 10 heures de travail par jour, incluant un roulement permanent entre les équipes de jour et les équipes de nuit, – qui sont d’ailleurs souvent les mêmes, et au milieu de tout ça, quelques heures de repos, rarement plus de six heures d’affilée. Mais lorsque la mer explose de colère, que le ciel se déverse sur vous, les équipes travaillent facilement jusqu’à 20h par jour pour maintenir la bonne route du navire. Et puis dans un cargo de 300 mètres de long, il y a toujours quelque chose à réparer, à changer et à entretenir. Les heures de sommeil sont courtes à bord et sont clairsemées par-ci et par-là, quand on a le temps, quand on ne tient plus debout. Durant les quatre à six mois de navigation en mer, les marins n’auront pas de jours de repos entier, le bateau fonctionnant en permanence. « Nous travaillons comme des machines quand tout va bien, et comme des machines en surmenage quand il y a un problème », m’a dit un officier.

Les seuls moments de flottement sont pendant les escales où le bateau peut rester jusqu’à deux jours à quai. Ça laisse parfois le temps de faire un restaurant, de voir un musée pour certains ou d’aller à la plage pour d’autres. Mais bien souvent, les marins n’ont pas l’opportunité de descendre à terre puisque le navire arrive de nuit et aussi parce que les villes portuaires sont souvent très laides, parfois réputées dangereuses et bien loin des centres-villes.

Alors pour moi, il n’est pas aisé de rencontrer le crew à bord. Compliqué de les déranger lorsqu’ils travaillent dans des espaces bruyants dangereux, compliqué de les déranger quand ils sont en repos et qu’ils aspirent à dormir ou à parler à leur famille plutôt que de répondre aux questions d’une passagère sur le nombre de conteneurs réfrigérés ou le poids de l’hélice.

Pourtant, peu à peu, on y parvient. Je me suis faufilée comme un chat dans toutes les pièces et j’ai observé longtemps avant de parler. Et puis, je me suis rendue compte que les marins aimaient partager ce qu’ils font et souvent, bien heureux d’avoir de la compagnie. On a regardé tous les soirs des bons films et de très mauvais, j’ai même pleuré à la fin de l’un d’eux. J’ai perdu aux cartes contre les cadets, je suis descendue à 22 heures dans la cuisine pour manger des céréales avec du lait avec les ingénieurs qui avaient raté le dîner. Parfois, quand tout était très calme et qu’on ne sentait même plus la mer bouger, on se racontait nos vies, on comparait, on cherchait à se comprendre. Moi je leur disais toujours que si quelqu’un débarquait dans mon bureau et passait toutes ses journées à me regarder et à bavarder, je lui gueulerais dessus : « Mais trouve-toi un job bordel ! ». Mais pas eux.

La cérémonie du repas

Le petit déjeuner est à 7h, le déjeuner à 12h et le dîner à 18h30. Ce sont les seuls chiffres que j’ai retenu par cœur. Je dois descendre cinq étages pour y aller. Le repas est à la fois très scénarisé et en même temps, complètement flottant. Personne ne mange en même temps, les officiers débarquent au compte-goutte, avalent leurs pâtes en quelques secondes et repartent. Il y a ceux qui me questionnent un peu, – est-ce que ça te plaît alors ? Tu viens d’où ? Tu vas où ?-, et ceux qui m’ignorent, n’ont pas envie de parler à quiconque. Tout le monde à une place attitrée, elle est hiérarchique. Parfois, je tombe sur le capitaine qui lui, mange à l’autre bout de la longue table ovale. On est drôlement loin de l’autre, si on veut discuter, on doit se crier dessus. C’est comme ça.

Je suis en bas de la chaîne alimentaire, pourtant, je mange à la table des officiers. J’ai mis plusieurs jours à comprendre tout ça, mais le reste du crew dispose d’une autre salle de restauration, bien loin de celle-ci. C’est pour cela que je ne les rencontre jamais.

Le deuxième soir à bord, je suis bien contente de découvrir que mon voisin de table est Mihael. L’officier roumain aux yeux bleus qui voulait mon carnet de fièvre jaune. Je me souviens bien de lui. Quand il arrive, il me salue avec un grand sourire. Je suis tétanisée, j’espère qu’il va lancer la conversation. Mais il n’a pas à le faire puisque le passager allemand croit bon de nous présenter l’un à autre en disant : « Ah c’est bien que vous vous rencontriez. Je crois que les Français et les Roumains sont très proches non ? Ils s’adorent il me semble ».

Un ange passe. En un seul mouvement, Mihael et moi-même se retournons l’un vers l’autre et explosons de rire.

– « Non mais c’est une blague, on déteste les Roumains en France ! » trouve-je bon de dire en guise d’entrée en matière.

-« Rassure-toi, on ne vous aime pas non plus. Vous confondez tout, vous pensez qu’on roule en charrette et qu’on mange les enfants.

Non on pense que vous prostituez vos enfants avant de les manger.

Avant ou après d’avoir vendu leurs organes ? » me demande-t-il.

-« Oh, tu sais ça mieux que moi ».

Le passager allemand devient blême, il pense qu’on s’engueule vraiment. Mihael se lève en rigolant et s’en va en nous souhaitant une bonne nuit. A ce moment-là, je me dis que j’ai peut-être merdé quelque part.

« Le moteur, c’est un immeuble de six étages »

« Alors t’as vu le moteur ou pas encore ? », m’a demandé un matin le capitaine alors que je me baladais (me perdais) dans les couloirs.

-« Non, mais je peux avoir une visite bientôt ? J’en rêve !». Le lendemain matin, j’avais rendez-vous à 9 heures dans la salle des officiers au niveau du pont pour ma visite guidée. Dès que vous quittez la tour d’habitation du navire, vous devez porter l’équipement de sécurité obligatoire : une combinaison réfléchissante, des gants, des chaussures de sécurité et évidemment, un casque. Plus belle et féminine que jamais, j’attends patiemment Camil, le second ingénieur du navire. Il débarque dans la salle en riant :

-« T’as 30 min d’avance, c’est quoi ton problème ? Tu m’as fait courir !

Désolée, je ne savais plus quelle heure on avait dit et j’ai paniqué», dis-je comme justification. Visiblement, ça a l’air loin le moteur, on a de la route.

On descend alors dans une partie du navire qui m’est jusque là complètement inconnue, située sous nos pieds, mais aussi complètement sous l’eau. J’apprends qu’entre le fond du bateau et le pont supérieur, il y a 14 étages. J’ai envie de semer des miettes derrière nous.

« La première chose à faire avant de visiter la salle des machines, c’est de t’enregistrer. On déclare tout le monde et tout ce qu’on fait en permanence sur ce navire ». On pénètre dans une salle de pilotage souterraine comme si on était dans un sous-marin nucléaire. Tout le monde travaille autour de nous. L’ingénieur en chef se lève et arrête aussitôt Camil en agitant une bouteille remplie d’un liquide jaunâtre à la main comme s’il avait fait une trentaine de test d’urine. Camil hausse les épaules et répond deux mots en roumain que je ne comprends pas. Moi je pense qu’il n’y a pas de caillot, mais à surveiller sur le long terme.

Assis tous les deux à une petite table, je l’interroge tout de même: « C’était quoi cette bouteille ? Y un truc qui fuit ? Me mens pas.

Ha ha, rien de grave, c’est juste qu’il a trouvé un peu d’eau dans l’huile. Tu sais les quantités sont tellement gigantesques qu’à chaque fois qu’on fait des tests, c’est normal de trouver des petites choses dedans. Mais on va nettoyer tout ça» dit-il sans la moindre hésitation. Ça fait deux jours que j’ai perdu mes lunettes de soleil à bord, si ça se trouve ils vont les retrouver dans une bouteille comme celle-ci.

« Je t’explique tout maintenant, car après, on pourra plus parler à côté du moteur. C’est infernal le bruit dedans, je vais te donner un casque spécial pour tes oreilles d’ailleurs. Et pour communiquer là-bas, je te ferai des signes. Normalement, tu ne comprendras pas grand-chose mais tu feras semblant, hein ?». Il m’a vite cernée.

Pendant trente minutes, nous parlons du moteur et de tout ce qui existe autour pour le faire fonctionner correctement. D’ailleurs, le bateau lui même est construit autour du moteur qui fait la taille d’un petit immeuble de six étages. A côté de l’engin principal, quatre petits moteurs sont aussi présents pour prendre le relais si le moindre problème technique apparaît. Ce sont eux qui produisent par ailleurs, l’ensemble de l’électricité du navire. Et si vraiment on avait pas de chance, que nos cinq moteurs tombaient en panne d’un coup, il en existe encore un autre de secours, plus petit cette fois-ci. Et pour pas qu’il y ait de mauvaise surprises, l’ensemble des moteurs est testé tous les samedis par les ingénieurs du cargo.

« On passe beaucoup de temps à faire des rapports de sécurité. Tous les évènements de la journée, tous les tests que l’on fait, on envoie tout à la compagnie. C’est contraignant car souvent je n’ai absolument pas le temps, mais la sécurité est la priorité de la compagnie et du capitaine», m’explique-t-il.

« Alors, comment tu le démarres le bouzin ? C’est comme une grosse voiture, un moteur à explosion ou quelque chose comme ça ?

Non, en réalité, on va utiliser de l’air comprimé que l’on va injecter dans le moteur. Et ça démarre instantanément grâce à l’auto-combustion» répond-il.

Douze personnes dont six ingénieurs ont la charge de faire marcher l’engin et surtout de l’entretenir. Il est doit être propre et bien huilé en permanence, la tâche est immense et le tout se fait à une température ambiante proche des 45 degrés.

Côté fuel, le Lisa Marie a quitté le port avec 4 000 mètres cubes de carburant dans ses cales et en consommera 50 mètres cubes chaque jour. Mais c’est du fuel lourd, comme dans tous les navires de ce genre, épais et gluant. Alors le navire doit le filtrer et l’épurer avant de l’injecter dans le moteur. Et comme le bateau est tout neuf, à peine deux ans, il est équipé pour réduire au maximum les risques de pollution et le gaspillage d’énergie : la chaleur des moteurs est récupérée, elle sert entre autre à dessaler et à purifier l’eau de mer pour fabriquer l’eau potable à bord, la vapeur circule également en circuit fermé. Et concernant la quantité gigantesque d’huile qui sert à lubrifier en permanence le moteur, elle ne sort jamais du bateau et est réutilisée en boucle tout au long de la croisière du bateau.

« Et vous en faites quoi des déchets de l’huile et du carburant, tout ce qui a été filtré ?

On le ramène au port pour qu’il traite tout. Rien n’est évidemment relâché dans la mer.

Et après, on s’en sert pour faire frire les frites c’est ça ?

Non, pour faire du Coca zéro» conclut-il.

Ensuite, on est allé voir la bête de près. Pour cela, il faut marcher longtemps, traverser d’immense couloirs, ouvrir des portes hermétiques, les refermer sur nos pas, descendre des échelles étroites, en monter d’autres… Et puis sur un mur, j’ai vu un plan du navire nous situant. Nous étions alors tout à l’arrière du bateau, sous les immenses cheminées qui nous servent de pots d’échappement. C’est à ce moment que j’ai compris à quel point mon monde à bord était petit ! Le bâtiment d’habitation, situé en plein milieu du bateau, ne représente même pas le quart de la taille totale du navire.

A côté du moteur, des pompes à huile, des cylindres, des pistons immenses et des tuyaux pour les eaux de ballast, la chaleur grimpe comme en enfer. Chaque effort me fait suer de plus belle.

« T’es aventurière ou pas ? », me lance Camil en fixant le sol. Il ouvre alors une lourde trappe en fer où une très mince échelle acrobatique doit nous conduire dans les intestins du bateau. Je le suis car je ne veux pas avoir l’air d’une fille peureuse à bord. Arrivée en bas, dans l’obscurité, il me montre une planche à roulettes posée sur des rails.

« Tu peux essayer, c’est comme ça qu’on se déplace ici ». Alors j’ai roulé, une fois, deux fois, trois fois, c’était si drôle de rouler sous l’eau.

Être la seule fille à bord

Dès que je l’ai rencontré, j’ai su qu’on allait bien s’entendre. Embarqué en Chine, Stephan est l’autre passager du Lisa Marie. Sauf que lui, cela fait déjà un mois qu’il vit à bord avec l’équipage et qu’il en connaît toutes les subtilités. Il a 67 ans, ne prend jamais l’avion et finit bientôt là, son troisième trajet en cargo. Il adore ça, c’est pour cela qu’il connaît tout.

Moi aussi, je suis heureuse qu’il soit à bord. Car en six jours, je n’aurais jamais le temps de tout apprendre, de tout comprendre. Alors il m’explique tout ce qu’il sait, sur les grades, la hiérarchie, les caractères, notre place en tant que passager… Nous allons parler des heures de nos lectures, de nos films préférés, de nos vies respectives. Tout le monde l’apprécie à bord pour sa gentillesse, sa discrétion et sa passion pour le commerce maritime. J’essaie de bien faire moi aussi, je le copie un peu.

Et à force de discussion, il finit par me dire : « c’est marrant tu sais, on ne vit pas du tout la même expérience à bord toi et moi ». Je ne comprends pas trop mais il poursuit.

-« Quand t’es arrivée, quelqu’un est venu porter tes affaires non ? ». Encore heureux oui, la passerelle est vertigineuse et j’avais peur de grimper.

-« Ben moi, je suis monté tout seul, sans aide, avec mes deux énormes sacs alors que j’ai 67 ans. Personne n’a accouru quand je suis arrivé ! », s’amuse-t-il à moitié.

-« Oui, mais c’est de la galanterie, à part ça, on vit la même chose, je fais tout comme toi ! », dis-je pour relativiser.

-« Bien sûr que non, tu peux pas te rendre compte. Mais le capitaine, te passe absolument tout ! Il est tellement plus proche de toi en trois jours qu’avec moi en un mois. Dès ton premier jour, tu as eu ta visite de sécurité et la visite du pont. J’ai attendu 10 jours pour l’avoir ! La grosse différence, c’est que t’es une fille et que tout le monde veut te faire plaisir, ah ah », finit-il par avouer.

Et bien, nous y voilà. Je ne pouvais même pas contester tout ça car il avait raison. Et il me l’a prouvé avec de nombreux exemples. C’est vrai, pour une fois, j’avais du pouvoir et j’étais importante. Et ça me faisait drôlement plaisir mon petit vieux ! Je pouvais débarquer n’importe quand voir le capitaine, même pour des futilités, il se pliait en quatre. A chaque fois que je rentrais dans une pièce, une chaise se libérait d’un coup. Et l’une des meilleures, toujours bien placée.

Et Stephan en a remis une couche une autre fois : « Lors de ton deuxième soir, les officiers t’ont proposé de venir regarder un film avec eux. Moi j’ai fini par le demander au bout de deux semaines car je ne voyais pas d’invitation venir ! ». J’ai pas osé lui dire qu’en plus, si je critiquais le choix du film, ce que je faisais à chaque fois, on en changeait aussitôt.