L’entrée du Mordor est en Bavière

Le Parc National de Berchtesgaden regorge de lacs translucides, de pics alpins acérés et de résidences estivales de dictateur. Mais pas que, j’ai trouvé encore bien plus surprenant.

Ce matin-là, je pars naviguer sur le beau Konigsee bleuté. J’arrive à l’aube devant l’embarcadère pour éviter la foule de Chinois qui devrait rapidement envahir les lieux. Mais c’est raté, car durant la période automnale et hivernale, aucune barque ne décolle avant 9h15. Rien d’insurmontable pour le tourisme de masse.

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Je m’installe dans un petit coin du bateau, le nez collé à la vitre. Un groupe de Chinois monte à bord. L’un d’entre eux repère le siège encore vacant à côté de moi et s’approche. Rapidement, je jette mon sac. Il s’assoit dessus. Je ferai les 35 min de traversée sur cette eau lisse et limpide, avec une perche à selfie qui m’étrangle.

IMG_2502-5Renseignez-vous bien sur les horaires des bateaux sur ce site avant d’embarquer sur le lac Konigsee. L’automne est une période merveilleuse pour découvrir la région du Berchtesgaden mais de nombreux accès  sont fermés, notamment certains téléphériques. A partir du 15 octobre, le premier bateau part à 9h15 et le dernier à 16h10. Si vous ratez votre retour, vous mourez sur place.

A savoir également, le lac Obersee (le petit lac situé au fond du Konigsee) n’est pas desservi à cette période, ce qui est bien dommage étant sûrement le plus sauvage et cristallin. Et évidemment, fin des traversées à l’arrivée des premières glaces et des Marcheurs blancs.

 

La caverne de glace d’Eiskapelle

Le bateau glisse en silence grâce à son moteur électrique sur ce lac tellement encaissé au milieu des montagnes que l’on dirait un fjord. Nous accostons finalement devant la jolie chapelle de Saint Bartholomae. La foule s’amasse sur le rivage au pied de l’édifice. Je n’y reste pas longtemps car je souhaite rejoindre la chapelle en glace d’Eiskapelle. Et puis, je sais très bien que le Chinois ne randonne pas.

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Le sentier commence près du port et s’enfonce très vite dans les bois. Une heure trente à l’aller et une heure pour le retour, nous promet-on. Rapidement, je me retrouve complètement seule dans cette petite forêt qui grimpe de plus en plus.

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Le sentier me mène peu à peu vers la clarté du sommet. Je sors du bois essoufflée par l’effort et débarque dans ce qui ressemble au lit d’une rivière asséchée. Je lève le nez et aperçoit au fond, le glacier qui surplombe cette vallée rocheuse.

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Je m’approche peu à peu de l’entrée du Mordor. L’air devient plus froid et humide. Après une trentaine de minutes à naviguer au milieu des rochers qui roulent sous mes pieds, me voilà dans l’antre du démon.

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A l’intérieur, il pleut à grosses gouttes. Chacune s’écrase dans un écho fracassant. L’intérieur est bien plus grand et plus haut que ce que j’avais pu imaginer. Au milieu de cette mélodie aquatique, je m’aventure un peu plus au fond, dans le noir total. Le ventre gronde et ruisselle. L’eau coule et déborde de toute part. En point d’orgue, une cascade se jette dans un petit étang turquoise.

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Je retourne vers l’entrée de la caverne et tente avec difficulté de fixer mon appareil photo entre deux rochers pour me prendre moi-même. Gollum débarque et me lance fièrement une devinette avec défi. Mais je n’ai pas le temps pour ses conneries et l’assomme avec une pierre. Parfait, cela me fait un trépied.

Deux jeunes hommes, avec d’énormes appareils en bandoulière, s’approchent de moi et proposent de me photographier correctement. Je les laisse faire, me contentant de cacher ma tête de chien mouillé dans ma capuche.

Nous faisons le chemin inverse ensemble. Ils sont allemands, s’appellent Max (avec un compte Instagram sublime) et Félix, et viennent de Munich pour photographier les Alpes bavaroises. Au bout de quelques minutes de marche, nous réalisons une pause pour lancer leur drone dans les airs. Il est très habile mais beaucoup moins efficace qu’un faucon pour chasser. Il ne nous ramène aucun pigeon.

Mes deux compagnons décident de me mettre à contribution dans leur mise en scène photographique. Je grimpe alors avec l’un d’eux sur un énorme rocher, face au glacier. Nous enchainons les pauses. Soudain, il me prend la main pour le prochain cliché. J’ai l’impression d’avoir touché la clôture des vaches. Je me raidis et le fixe horrifiée. Je veux bien servir de modèle Nature & Découverte mais épouser un Allemand, faut pas déconner. Je suis rancunière.

Le Lac d’Hintersee

Mes deux compagnons repartent à Munich le soir-même, alors que moi, je poursuis ma route vers l’Autriche. Mais juste avant, sur leurs bons conseils, je fais un détour vers le lac d’Hintersee situé à moins de 20 min du Konigsee. Je le regretterai pas. Ce n’est pas un lac, c’est un miroir. Je vois en lui chaque sapin et sommets enneigés, et même mes pores et mes cernes.

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Après ce doux interlude, je prends la route pour passer la frontière autrichienne. Pour cela, soit vous achetez une vignette à 8 euros à la station service, valable 10 jours, soit vous faites un go fast.

Après 1h30 de route, j’arrive au fameux village d’Hallstatt.